mardi 4 octobre 2011

Paul-Emile et Géraldina


Depuis deux semaines, Paul-Emile avait emménagé avec Géraldina. C'était un projet par eux voulu de longue date. Paul-Emile avait pensé pouvoir bénéficier ainsi d'un plus grand nombre de câlins. Et pour Géraldina, c'était bien rassurant de pouvoir veiller sur son grand gaillard de Paul-Emile.
La routine s'était vite installée, au bénéfice des deux protagonistes.
Quand Géraldina partait travailler, elle recommandait toujours à Paul-Emile de ne pas se lever trop tard et lui confiait une tâche à effectuer avant son retour – car c'est ainsi qu'on responsabilise les garçon – comme passer le balai, faire la vaisselle ou ranger le linge. Elle prenait garde à ne pas lui en demander trop, afin qu'il aie toujours suffisamment le temps de s'absorber dans ses jeux préférés (comme le développement informatique) – car c'est ainsi qu'on permet aux garçons de s'épanouir. Et c'est avec un sourire attendrissant qu'elle le retrouvait chaque soir, absorbé dans l'élaboration d'un nouveau logiciel destiné à sauver les données informatiques de l'humanité des méchantes multinationales capitalistes et elle lui disait que c'était bien – car il est bon pour les garçons d'avoir des rêves, même s'ils se rendront compte plus tard que la vie c'est bien plus compliqué que ça.
S'il avait bien travaillé, elle lui préparait un bon petit plat avec du parmesan dessus comme il aimait. Elle ne s'endormait jamais sans s'être assuré qu'il s'était bien lavé les cheveux et brossé les dents – car les garçons sont souvent tête en l'air. Alors ils se couchaient côte à côte et s'endormaient paisiblement.
Un soir, alors qu'ils étaient ainsi couchés tendrement enlacés et attendant le train du sommeil, Paul-Emile se colla contre Géraldina et elle sentit dans son dos durcir une érection. Son sang ne fit qu'un tour. Elle se retourna vivement, le gifla et dit « Ah non ! Ce ne sont pas des choses à faire à sa mam...  euh... »
Et elle vit qu'il fallait qu'ils parlassent d'un problème.  

vendredi 5 août 2011

Bonjour, Soleil.

Quand on est amoureux, après un petit temps, on remarque ces petits signes. Ces petites choses du quotidien qui prennent un sens particulier. Comme les nuages pour moi maintenant. 
J'ai regardé les nuages un million de fois. Je ne les ai jamais vus comme je les vois maintenant. Et c'est à cause de lui.
Au début, quand on est amoureux, on pense que cette attention aux choses durera pour tout le temps. Peut-être.
C'est ce que j'espère. Alors je me scrute. J'évalue ma capacité à continuer à donner du sens aux nuages. A continuer à l'aimer pour sa simplicité. A être encore libre sans le priver de ma loyauté. A le laisser libre aussi et à apprivoiser le rythme de sa présence et de son absence. J'évalue ma capacité à ne pas lui en vouloir d'être simplement celui qu'il est. A revenir si j'ai jamais à m'éloigner. 
Je jauge, j'étudie les paramètres en jeu, je tente de prédire nos possibilités de bonheur. Je trace dans ma tête le chemin le plus sûr. Un chemin suffisamment large pour y marcher à deux et qu'on sache où on va. Pour pouvoir le quitter sans crainte de me perdre. 
Mon cerveau se transforme en machine qui calcule et recalcule en permanence les coordonnées de notre amour pour garder la bonne direction et prendre en compte des facteurs dynamiques. Parce qu'il a dit ça, que j'ai appris ça, qu'il était absent, que j'ai ressenti ça, que je l'ai appelé, qu'il a fait tout ça, qu'il est toujours là. Moi aussi.

mardi 19 juillet 2011

addictologie.org

J'ai du mal à respirer quand j'imagine ta vie. Peut-être que je ne m'en fais qu'une idée vague. C'est difficile à dire ce que peut être ton chemin. Tu parles peu.
A quoi tu penses le matin quand tu te regardes dans le miroir ? A quoi tu penses quand tu mens à tes parents ? Quand tu prétends arrêter l'héroïne ? Quand CE mensonge vaut mieux que la vérité ? C'est quoi ta vie ? Dans cet appartement perpétuellement en travaux, jamais fini de nettoyer ? Presque seul. Entouré d'amis sur qui tu ne peux pas compter ? Près de ta famille qui ne t'est d'aucune aide ?
C'est ce que j'imagine pour toi. Et je pleures quand toi tu souris.
Je me demande parfois pour quoi tu vis. Si tu cherches autre chose que le subutex pour te faire aller quelque part. Parfois je ne pense qu'à CA et j'ai l'impression d'étouffer. Et c'est difficile d'accepter de ne rien avoir à faire avec CA. Que je ne sais pas ce qu'est ta vie. Que c'est comme CA.
Mais je ne peux pas penser à autre chose. Toi. Tes potes losers. Et du subutex que vous escroquez aux CSST, à des "soignants" qui ne se font pas prier pour se transformer en dealers.
Qu'est-ce que tu vas faire de toi ? Ca devrait te préoccuper plus que moi. C'est surement le cas. Mais je n'en sais RIEN. Tu planes, tu bades, j'étouffe.

dimanche 3 juillet 2011

H

Saint-Denis, train de banlieue. Ligne H. Le ciel gris me plonge dans cette indétermination d'humeur, quelque part entre le blues et l'espoir de quelque chose. Des oreillettes du MP3 s'écoule sur la même longueur d'ondes un morceau de Metronomy. Je rêve à un type providentiel. Un Charles de Gaulle, un Lionel Jospin1 qui sortirait de l'ombre à l'appel du peuple pour nous sauver de nos luttes sans fin contre la pesanteur du sol social.
Epinay-Villetaneuse. Les lumières clignotent. Le synthé démarre son solo et le train accélère. Un immeuble de vingt étages à moitié effondré laisse à voir l'intérieur d'appartements en lambaux. Un peu plus loin, des enfants jouent au foot. A quoi rêvent les gens ? (Est-ce qu'ils pensent un peu comme moi ?)
Quel avenir nous sera promis au-delà du béton et des fleurs des champ à juvisy, Sarcelles, Maisons-Alfort ?
Il pourrait pleuvoir. Je rentrerai à Paris.


1 Vas-y rigole pas.

mercredi 15 juin 2011

Souffrance en France

De huit heures à dix-huit heures trente. Dire bonjour, être énergique. Etre rapide. Décrocher, parler, écouter, parler, raccrocher. A chaque appel appliquer des instructions différentes. Rester accueillant. Mais ferme. Décrocher, raccorcher. Traiter les appels en moins de soixante-dix-sept secondes. Pendant quatre heures le matin, une pause de dix minutes. Cinq heures trente l'après-midi, une pause de dix minutes.
Rester énergique. Malgré le coup de barre de treize heures trente. Se gaver de café. En vain. Par miracle, une fois de temps en temps, une pause de quelques secondes s'insinue entre les appels. Parfois pas une seule fois de la journée. En profiter pour savourer le silence relatif. Surtout ne penser à rien. Le prochain appel cogne derrière la tête et on se prend à ne plus rêver qu'à la prochaine fois, hautement hypothétique, où le téléphone cessera de sonner. Quelques secondes. Ou pas. 
Différentes stratégies pour tenir. Ne surtout pas regarder l'heure. Rire très fort avec ses collègues. Pester en off contre les patients.
Constater, quand on pense être déjà au bout du rouleau, que la fin de la journée n'est que dans deux heures et demi. Et constater que malgré la peine le corps tient. Ne pas s'effondrer en pleurs. Ne pas s'enfuir en courant. Ne pas défoncer l'écran à coup de clavier. Rester enchaîné au bureau, les oreilles douloureuses de toutes les interférences, des télé allumées en fond sonore, des bébés qui hurlent, des voitures qui klaxonnent... Les jambes enkylosées, rester sans bouger. Les yeux qui piquent, continuer à fixer l'écran. Supporter au-dessus de ça la chaleur des huit machines allumées en même temps dans 15 mètres carrés.

Une chose intéressante à remarquer, c'est que quand on arrive au bout de ses forces, on a tendance à aller de plus en plus vite. On veut se débarasser de l'appel. On devient plus efficace. Plus rapide. Comme si ces secondes gagnées avaient la moindre de chance de se transformer en minutes de répis. Bien sûr ça n'est jamais le cas. L'appel suivant arrive quelques secondes plus tôt. Et le piège se referme. Le système se nourrit de la souffrance du travailleur. C'est un truc que j'avais étudié en cours. Mais ça ne m'est d'aucune aide.

mardi 17 mai 2011

Y'avait des gangs et des bangs, y'avait même des des gang-bangs...

A un moment de notre vie on ne savait pas quoi faire d'autre. Tout paraissait hors d'atteinte et nos épaules trop frêles. Alors on buvait de l'alcool pour oublier ça. Pour se croire les rois du monde et des gens désirables. Quand on s'assigne un seul but dans la vie, tout paraît bien plus simple. Et avec deux grammes dans la vue, les défauts de l'existence passent pour des charmes méconnus. Alors on faisait ça, boire. 
On se réveillait avec pour seul objectif l'apéro qui effacerait de nos figures mâchouillées les vestiges de la dernière nuit d'ivresse. On cachait nos visages sous du fond de teint, nos corps sous des robes courtes et on chantait trop fort. On sautillait dans la rue et on se croyait tellement libres. Des petites lumières de la nuit parisienne attirant les papillons égarés. On disait oui à tout. De peur de manquer quelques chose. Parce qu'on voulait tout faire, on avait soif de tout et on avait si peur que ça s'arrête. Et de fait, l'état de grâce a pris fin. Mais on ne s'en pas rendu compte, trop occupées qu'on était à gérer nos gueules de bois et nos histoires de fesses. Qui a parlé d'amour ? Nous parlions toujours d'amour. 
On a fini par faire partie des murs. Les piliers de comptoir qui ne veulent jamais rentrer chez eux. Pendant ce temps-là on pouvait rêver à la vie qu'on voulait, mais sans jamais s'y atteler vraiment. 

On voulait de grands feux de joie, on s'est juste cramé les doigts avec nos allumettes.
C'est difficile à dire comment on a fini par atterrir. Il faut croire qu'on n'est jamais aussi léger qu'on voudrait le croire. Quand j'y repense maintenant, tout ça me semble bien vain. Mais on en avait besoin. Je crois qu'on ne fait jamais rien pour rien.

mercredi 6 avril 2011

Crève pétasse.

Ce qui est sympa dans cette rupture c'est qu'elle traîne en longueur. Il y a toujours un truc pour me le rappeler. Au début c'étaient des souvenirs, les biens, les pas biens... et puis le désir qu'on avait toujours l'un pour l'autre, et puis les occasions de se voir assez fréquentes puisqu'il a pris possession de MON bar préféré, puis de MES potes. Aujourd'hui on évite de se voir mais puisqu'il voit encore de temps en temps MES potes, il y a toujours une bonne raison d'entendre parler de lui. Mais comme je l'ai décrit ici, je gère, izy.
Donc non, izy, je gère super. Bon alors par contre il a un blog. Donc on n'en fini jamais n'est-ce pas ? Mais enfin ça va, donc je lis ses posts régulièrement et puis, pouf, je passe à autre chose. Izy donc, les doigts dans le nez. Là où j'ai eu du mal à encaisser, c'est quand j'ai découvert que l'air de rien, il avait... *gloups* une relation. Voilà je l'ai dit.
UNE PUTAIN DE GONZESSE. Mais c'est qui cette greluche ???? Elle est où cette pute que je la SAIGNE ! Putain, je la connais ???? NAN mais c'est pas POSSIBLE ! AAAAAAAAHHHHH !!!!! J'ai la haine PUTAIN !!! J'ai envie de l'éventrer avec un vieil opinel rouillé avant de le baiser sur son cadavre. AH ! AH ! HA ! Mais quelle salope !!!
Nan sans déconner les mecs je m'en remets pas. Putain. Si je me suis calmée, c'est juste de fatigue. La vérité c'est que j'ai encore envie de pleurer de rage, rien que d'y penser.
Je veux qu'elle CREVE. En toute simplicité.
Ce truc me met presque plus en rage que les problèmes de chauffage et climatisation dans les TER et TGV. C'est dire. Sauf que j'ai pas la force de déblatérer là-dessus des heures comme je peux le faire sur la SNCF. Ca m'épuise aussi sec.
Voilà. Je vais dormir. Et cette pouffiasse, je l'encule.

mardi 29 mars 2011

IZY

Je pète la forme les gars, je vous raconte pas. Le soleil brille, ma carrière professionnelle est au top niveau. Ma vie est fun fun fun. 
Y'a juste un truc qui me chiffonne, c'est qu'on me parle de lui. Ouais... lui... Mais je gère. 
Je vais chez Dame SolN et au détour d'une conversation "et alors on était dans ce bar et arrive NLALALALALALA !!! Les mains plaquées sur les oreilles, j'entends rien. Sans déconner, on parlait de quoi déjà ? Ah oui, boulot, on parlait BOULOT. 
Donc ça va en fait, je gère. Peinard. Sans déconner. Haha. 
Il y a bien de temps en temps, quand je suis toute seule, où je pense à lui... Vite fait quoi. Un flash. Et dans ma tête je hurle TRES FORT de toutes mes forces : "DEGAGE !" et si ça suffit pas "Casse-toi ! T'as pas compris ? Tu n'existes PAS !!" Je cries très fort, à me faire mal à la gorge, mais dans ma tête donc ça va. Faut voir, je me mets dans des états parfois... hystérique la fille. Mais ça marche bien ! LOL Ça prend quelques minutes par jour, pas plus. Et comme c'est dans ma tête, personne n'y prête attention, j'ai l'air normal. LALALALALA ! J'entends rien. Mains imaginaires, sur les oreilles imaginaires. Et hop le tour est joué. 
Easy. Les doigts dans le nez les gars. Sans déconner. 

mardi 22 mars 2011

Cindy et l'horrible vérité, ou le portrait de Kevin

Cindy était bien emmerdée. Pour tout dire elle avait du mal à en croire ses yeux et ses oreilles. D'abord Kevin l'avait fantasmée si fort et elle avait pensé que ce serait le principal obstacle à une relation authentique entre eux deux. Et puis les signes s'étaient accumulés. Elle n'y avait d'abord pas accordé d'attention, si affairée qu'elle était à anticiper les possibles évolutions de leur relation naissante. Cindy était portée au romantisme et préjugeait toujours du meilleur chez ses semblables. Et c'est bien ce qui la conduisait régulièrement à s'engager dans de mauvais pas, aveugle qu'elle pouvait être à ses propres ressentis. 
Mais cette fois, elle ne pouvait plus fermer les yeux devant l'horrible vérité. Kevin n'était pas un vrai humain de chair, d'os et de sentiments, mais bien un robot. 
Oui c'est vrai, dès le début Cindy avait tiqué devant la propension de Kevin à l'utiliser comme un objet sexuel dénué de désir propre... Mais Cindy avait cette fameuse tendance à préjuger du meilleur. Elle avait donc décidé d'essayer d'en tirer le meilleur parti. Force fut de constater que ses efforts étaient vains. 
Plus tard elle constata avec un dépit qu'elle ne pouvait plus réprimer, malgré ses efforts énergiques, que ce que Kevin considérait comme la meilleure preuve de ses efforts pour nouer une relation romantique était une invitation au restaurant. Non pas des mots, non pas le partage de ses sentiments ou de ses émotions au sujet d'une situation, d'un évènement, d'un souvenir, n'importe laquelle de ces choses dont les êtres humains héritent en partage. Non, rien de tout cela, mais une invitation au restaurant, une proposition de dormir ensemble, une tape sur l'épaule en signe de réconfort. Ces choses étaient, pour Kevin, le meilleur qu'il avait à offrir. 
Cindy était donc progressivement amenée à se rendre à l'évidence : rien de ce qui pour elle constituait le coeur d'une relation authentique, l'expérience de l'émotion et son partage, n'était constitutif du lien qu'il l'attachait à Kevin. A ses questions, Kevin répondait de manière courte et elliptique, usant à l'occasion d'une certaine condescendance. Et il prétendait faire tous les efforts dont il était capable. En réalité, il faisait semblant. 
Quand finalement, Cindy en butte aux affres de la douleur, de l'humiliation et de la maladie, s'ouvrit incidemment de ses tourments à Kevin, et que celui-ci ne lui offrit que le visage de l'indifférence, Cindy se convainquit de lui faire un appel du pied. Elle lui demanda donc explicitement un témoignage de sa sympathie, comme une dernière tentative, une dernière chance pour Kevin, de faire preuve de son appartenance à la race des hommes. Malheureusement, et comme on s'y attendait, celui-ci ne fit que se conformer à l'image que Cindy avait finit par se forger de lui. Il lui déclara froidement sa sympathie et l'invita au restaurant, tout cela de sa petite voix de robot, où l'on ne percevait, même en tendant l'oreille jusqu'à l'élongation, aucune trace de l'émotion la plus ténue. 
C'est à ce moment que Cindy vit que la situation était définitivement irrécupérable et se résigna à accepter que Kevin était bien tel qu'il le semblait, un robot. Et parce qu'elle était animée de sentiments, elle ne répondit rien mais pensa très fort seulement, qu'il serait bon qu'il aille bien se faire enculer. 

vendredi 18 mars 2011

Petit amant

J'aimerais renoncer plus facilement mais c'est difficile. De laisser tomber quelque chose, en échange de rien. 
Abandonner l'idée de le connaitre. C'est comme si on me prenait quelque chose. Renoncer. Passer à coté de tout ce que j'aurais pu faire avec lui, grâce à lui. Et d'hypothétiques choses très touchantes à ajouter à mon album de jolis garçons. 
Peut-être aussi qu'il m'intéresse plus qu'un autre. Parce qu'il défie mon entendement. Étrangement, ses cotés agaçants, son mépris affiché qui semble presque lui échapper sont une invitation à aller plus loin. A croire que quelque chose est caché. Cette apparente indifférence, contrastant avec de fulgurants moments d'attention. Une ambiguïté qui se prolonge... Il est là. Puis plus. 
Et moi aussi. Je titube entre découragement et espoir insensé. Ainsi nous répondons-nous. Alternativement. 
Parce que probablement nous savons tous les deux qu'il n'y a pas réellement de raison d'y croire. Mais parce que tous deux nous avons des rêves, nous avons chacun nos raisons d'essayer malgré tout. 
On ne sait jamais. 

mardi 8 mars 2011

La journée de Cindy

Quand Kevin rencontra Cindy, il vit en elle l'incarnation de LA FEMME. A la minute où il la vit, il sut que c'était elle. L'image dont il avait rêvé s'incarna en Cindy telle une poupée s'animant par magie. Il n'en croyait pas ses yeux. Il devait posséder cette poupée.

Il le dit à Cindy et comme il avait les yeux si bleus, elle reçu ses mots comme des flèches, distillant sous sa peau le poison du désir. Cindy désira être dans les yeux bleus de Kevin et, tel un pantin, se mit à se mouvoir à la cadence des fils imaginaires par lesquels Kevin l'avait hameçonnée. 

Elle ouvrit les lèvres pour faire O et accueillir sa bite. Elle obéit au doigt qui écartait ses lèvres et à l'oeil qui regardait son sexe. Dansant naturellement au rythme du corps de Kevin, elle se fondit dans son regard. Elle devint la poupée. L'incarnation de LA FEMME. Parce qu'il lui criait si fort que c'était ELLE. 

Allongée, ses yeux se fermaient et Cindy vocalisait son plaisir d’être au bout de Kevin, face à ses yeux bleus. Elle ne parlait plus, de peur qu'il devînt évident qu'elle possédait une âme. 
Néanmoins, debout et les yeux ouverts, Cindy se demandait parfois ce qu'elle pouvait bien foutre là. 

dimanche 27 février 2011

Mais tuez-les !

Il semble que nous ne sachions faire qu’une seule chose. Nous vouloir en nous en voulant. Nous rapprocher en nous déchirant. Nous aimer pour nous faire du mal et sans jamais y croire, tellement nous le désirons.

Il veut me sauver de moi-même. Me rendre une autre.

Il métouffe, je veux être moi.

Je suis trop indépendante et donc je ne l’ai jamais aimé.
Je ne peux pas entendre une chose pareille. Il doit savoir que je l’ai aimé.
Je ne veux plus entendre parler de lui. Me voilà donc engagée à lui envoyer un mail, puis un autre, à enrager et à me justifier. A l’engueuler et à vouloir me faire entendre. A guetter ses réponses.
Et puis... “je ne sais pas si je lirai le mail que tu viens de m'envoyer.
8 mails pour dire "fous-moi la paix" ça fait beaucoup.”
Il a probablement raison. Sale con.

mercredi 9 février 2011

Mon temps de cerveau est exploité

J'ai 28 ans. Bac + 5. 4 ans d'expérience. Mais je ne travaille qu'à temps partiel, la faute à un marché de l'emploi saturé dans ma branche. L'oisiveté étant notoirement mère de tous les vices, j'ai décidé de mettre la moitié inexploitée de mon cerveau à la disposition d'une entreprise commerciale.

J'ai dorénavant un job d'étudiant : télé-secrétaire.
Je gère à distance les appels téléphoniques et les agendas de cabinets libéraux. Les appels s'enchaînent sans interruption. Il faut répondre et agir avec des instructions différentes selon les clients. Surtout il faut faire vite. Pour avoir la prime à la fin du mois, il faut traiter les appels en 77 secondes. Le SMIC + 80 euros pour gérer 150 appels en une demi-journée, en 77 secondes en moyenne. Et 65 euros de prime d'assiduité. Pour ne pas tomber malade, donc.  
Nous sommes alignés sur des postes de travail dans des pièces exigues, chacun le casque vissé sur les oreilles, occupé à traiter à la chaîne les appels de patients qui obstinément, s'acharnent à sortir du modèle imposé : nom + numéro de téléphone + heure de rendez-vous. Ils ont mal, ils se plaignent, ils s'interrogent, ils veulent parler à leur docteur... Ils ont toujours quelque chose qui ne va pas. Quelque chose qui ne rentre pas en 77 secondes.

Je commence aujourd'hui et Fatoumata me supervise. Assise à côté de moi, elle laisse traîner son oreille et intervient quand je sors des rails.
"Cabinet du Docteur Roger, Bonjour !"
- Bonjour c'est Madame Michu. Je vous appelle pour mon fils. Il a dû vous appeler pour prendre un rendez-vous.
- Il a un rendez-vous quand ?
- En fait je ne sais pas s'il a déjà appelé mais il doit le faire et j'aurais voulu dire au docteur... Vous savez mon fils est déprimé et je lui ai dit de prendre rendez-vous avec le docteur mais je ne sais pas s'il va le faire...
- Quel est l'objet de votre appel madame ?
- Voilà. J'aurais voulu dire au docteur... mon fils... j'ai peur qu'il ne minimise son état. Alors j'aurais voulu dire au docteur qu'il faut le prendre au sérieux."
L'appel traîne en longueur et Fatoumata s'impatiente, elle se demande ce qui se passe.
"Ne quittez pas Madame."
J'explique la situation. Fatoumata s'énerve. Elle n'aime pas les gens qui racontent leur vie. Elle prend le combiné.
"Oui madame ?
- ...
- Mais il a quel âge votre fils ?
- ...
- 39 ans ?!"
39 ans ! Non mais les gens sont vraiment des assistés hein !!!
"- Oui madame. Je transmets au médecin madame."
Fatoumata raccroche. Sans noter de message. Ca l'énerve, les gens qui racontent leur vie, qui se plaignent... alors que nous, on n'a pas que ça à faire.
Les gens vraiment ! Ils se plaignent vraiment pour rien !!
Ici, on n'a pas le temps pour ça. 77 secondes.
Tu sais Fatou, si la dame appelle, c'est peut-être que c'est plus qu'une déprime. Peut-être qu'elle a peur que son fils ne se suicide... (Et ça, je le sais pour en avoir rencontré, des mères comme elle...)
Elle me regarde, vaguement héberluée, certainement pas convaincue. Je reprends mon poste. Mais quand même, ça la turlupine.
Tu penses quoi du suicide toi ? C'est lâche ou c'est courageux ?
"Cabinet de gynécologie bonjour !"
Les appels s'enchaînent.
C'est lâche ou c'est courageux ? T'en penses quoi toi ?
Ben moi... tu sais je vois pas les choses comme ça. Pour moi c'est ni l'un ni l'autre.
Fatoumata est désarçonnée. Les gens se plaignent vraiment pour rien.

11h15. 10 minutes de pause. Fatoumata descend avec moi. Après deux ou trois échanges de banalités, elle revient à la charge. Elle doit savoir ce que j'en pense.
"- C'est lâche ou c'est courageux ?
- Moi, j'en pense rien. Mais je sais que les gens très exigeants avec eux-mêmes, comme tu sembles l'être, pensent souvent  que c'est un acte de lâcheté.
Elle acquièsce. Oui c'est vrai. Elle est dure avec elle-même, et avec les autres.
- Tu vois le monsieur là ? Le père des jumelles qu'on n'a pas retrouvées. Il s'est suicidé. Franchement c'est dégueulasse. Pour ses filles, sa femme... Elles y sont pour rien elles et il les laisse seules ! Moi j'ai un fils. Franchement j'ai galéré dans ma vie, et je galère encore ! Mais jamais je ne ferais ça. Je regarde mon fils, je me dis que je dois me battre pour lui. Je peux pas le laisser seul, t'imagine si je me suicidais ! Pourtant j'y pense hein. J'y pense tous les jours."
Je hausse un sourcil.

11h25. Pause pipi.
Les gens vraiment, ils peuvent pas payer leurs factures, ça y'est ils se suicident. Les gens se suicident vraiment pour un rien.
"Cabinet du Docteur Bernard, bonjour ! ... Oui. 17h30, jeudi 14. Bonne journée monsieur."
Fatoumata parle avec Katou. Katou est enceinte. Elle lui parle doucement, elle sourit, elle caresse son ventre et ses seins.

17h. Fin de journée.
J'ai la tête qui tourne, d'avoir enchaîné les appels toutes les 113 secondes pendant 6h30. Je titube entre les gens de toutes les couleurs sur le trottoir, boulevard de Strasbourg. Cabinet du Docteur soixante-dix-sept-secondes ! Bonjour !
Je marche le plus lentement possible, contrairement à mes habitudes. J'essaie de redonner au monde sa vitesse normale. Avant d'aller à mon travail. Mon autre travail. Celui où on a le temps. Le temps de se poser des questions même.

Je pense à Fatoumata. Qui n'a pas le droit d'en avoir marre. Qui ne se donne pas le droit de se demander si sa vie vaut la peine d'être vécue.

lundi 31 janvier 2011

Re

Dès que je ferme les yeux, je vois les siens.
On ne veut plus se voir mais on en crève. Alors on dit non et par derrière, on fomente des plans. Sans faire exprès. Juste parce que derrière nos affirmations, nos désirs étouffés continuent leur oeuvre en souterrain. On dit non et comme par hasard, on se retrouve encore l'un en face de l'autre. On guette l'accident, le dérapage incontrôlé.
Et on a même l'audace d'en jouer. Il me court après dans l'appartement, où que j'aille, il est sur mes talons. Je recule, mes yeux dans les siens. Je prends le risque de perdre du temps, de rater l'occasion. Parce que j'ai l'assurance que nous voulons la même chose. Avec la même force.
Car malgré toutes les dénégations, toutes les impossibilités, tous les malentendus, je sais une seule chose, mais je la sais avec force, il me désire. Autant que je le désire. C'est ce qui me permet de tenir l'illusion que nous voulons la même chose. Lui et moi c'est du pareil au même. On est un. En deux. Son regard dans le mien, je ne doute de rien.
Et puis c'est terminé. Il faut penser à autre chose. Dire à nouveau non. Etre d'accord sur ce que nous voulons. Ne plus nous voir.
Fermer les yeux. Sentir son oeil dans mon ventre.