mardi 22 mars 2011

Cindy et l'horrible vérité, ou le portrait de Kevin

Cindy était bien emmerdée. Pour tout dire elle avait du mal à en croire ses yeux et ses oreilles. D'abord Kevin l'avait fantasmée si fort et elle avait pensé que ce serait le principal obstacle à une relation authentique entre eux deux. Et puis les signes s'étaient accumulés. Elle n'y avait d'abord pas accordé d'attention, si affairée qu'elle était à anticiper les possibles évolutions de leur relation naissante. Cindy était portée au romantisme et préjugeait toujours du meilleur chez ses semblables. Et c'est bien ce qui la conduisait régulièrement à s'engager dans de mauvais pas, aveugle qu'elle pouvait être à ses propres ressentis. 
Mais cette fois, elle ne pouvait plus fermer les yeux devant l'horrible vérité. Kevin n'était pas un vrai humain de chair, d'os et de sentiments, mais bien un robot. 
Oui c'est vrai, dès le début Cindy avait tiqué devant la propension de Kevin à l'utiliser comme un objet sexuel dénué de désir propre... Mais Cindy avait cette fameuse tendance à préjuger du meilleur. Elle avait donc décidé d'essayer d'en tirer le meilleur parti. Force fut de constater que ses efforts étaient vains. 
Plus tard elle constata avec un dépit qu'elle ne pouvait plus réprimer, malgré ses efforts énergiques, que ce que Kevin considérait comme la meilleure preuve de ses efforts pour nouer une relation romantique était une invitation au restaurant. Non pas des mots, non pas le partage de ses sentiments ou de ses émotions au sujet d'une situation, d'un évènement, d'un souvenir, n'importe laquelle de ces choses dont les êtres humains héritent en partage. Non, rien de tout cela, mais une invitation au restaurant, une proposition de dormir ensemble, une tape sur l'épaule en signe de réconfort. Ces choses étaient, pour Kevin, le meilleur qu'il avait à offrir. 
Cindy était donc progressivement amenée à se rendre à l'évidence : rien de ce qui pour elle constituait le coeur d'une relation authentique, l'expérience de l'émotion et son partage, n'était constitutif du lien qu'il l'attachait à Kevin. A ses questions, Kevin répondait de manière courte et elliptique, usant à l'occasion d'une certaine condescendance. Et il prétendait faire tous les efforts dont il était capable. En réalité, il faisait semblant. 
Quand finalement, Cindy en butte aux affres de la douleur, de l'humiliation et de la maladie, s'ouvrit incidemment de ses tourments à Kevin, et que celui-ci ne lui offrit que le visage de l'indifférence, Cindy se convainquit de lui faire un appel du pied. Elle lui demanda donc explicitement un témoignage de sa sympathie, comme une dernière tentative, une dernière chance pour Kevin, de faire preuve de son appartenance à la race des hommes. Malheureusement, et comme on s'y attendait, celui-ci ne fit que se conformer à l'image que Cindy avait finit par se forger de lui. Il lui déclara froidement sa sympathie et l'invita au restaurant, tout cela de sa petite voix de robot, où l'on ne percevait, même en tendant l'oreille jusqu'à l'élongation, aucune trace de l'émotion la plus ténue. 
C'est à ce moment que Cindy vit que la situation était définitivement irrécupérable et se résigna à accepter que Kevin était bien tel qu'il le semblait, un robot. Et parce qu'elle était animée de sentiments, elle ne répondit rien mais pensa très fort seulement, qu'il serait bon qu'il aille bien se faire enculer. 

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