mardi 14 septembre 2010

Djayson et Brenda : guerre de tranchées

Le téléphone sonna une dernière fois dans le vide. Ni Djayson ni Brenda n’auraient abandonné leur poste une seconde.
Depuis trois jours, heures de travail et rendez-vous manqués s’accumulaient sans qu’aucun d’eux n’eût risqué son attention une minute hors du champ de bataille qui les réunissait.
Retranchée derrière le canapé du salon, Brenda scrutait le coin opposé depuis lequel Djayson, assis en tailleur sous le bureau, la tenait en respect, protégé derrière une ligne défensive de morceaux éparpillés de porcelaine de Limoges, vestiges de la dernière offensive menée par son amante. Après deux jours de tirs d’artillerie à base de secrets les plus intimes tournés en dérision et balancés à l’autre avec un mépris féroce, c’est maintenant la guerre de position qui prévaut, et Brenda et Djayson n’ont plus la force ni l’un ni l’autre de tenter une nouvelle incursion, trop affaiblis qu’ils sont tous deux par des hémorragies narcissiques difficiles à contenir en l’absence de corps médical.
Cette troisième journée s’était donc déroulée dans un silence relatif seulement rompu de temps à autres par la sonnerie du téléphone, auquel personne ne répondait.

C’est Brenda qui rompit le statu quo, en rampant vers l’épais tapis situé à égale distance des positions des deux adversaires. Djayson, en alerte, tendit rapidement sa main vers le vase de cristal qu’il tenait en réserve, prêt à le lancer au moindre signe d’agressivité. Mais Brenda était désarmée et, lascive, elle se défaisait lentement de ses vêtements déchirés, dévoilant son corps blessé, sans défense. Comme elle restait là sans bouger, Djayson, sans se départir de la méfiance qu’il entretenait depuis le début de leur guerre passionnelle, finit par s’approcher précautionneusement. Avec une infinie lenteur, il tendit sa main vers le sein de Brenda, qui tressaillit sous la caresse. Rassuré par cette réaction pacifique, il s’enhardit et approcha sa bouche de celle de Brenda, qui enroula aussitôt sa langue autour de la sienne.
Leur union fut fusionnelle. Leurs corps entremêlés semblaient n’en former qu’un. La sueur lavait leur peau du sang qui y avait séché et leurs larmes se mélangeaient, soulageant leurs douleurs partagées. Pendant des heures, leurs orgasmes leur tinrent lieu de transfusion d’ego et c’est apaisés qu’ils se dégagèrent de l’étreinte, s’allongeant côte à côte, prêts à sombrer enfin dans un sommeil salutaire.

Brenda était au bord de l’assoupissement lorsque Djayson laissa échapper sa question. Rouvrant péniblement un oeil, refusant de s’arracher à la promesse d’un repos réparateur, elle marmonna une réponse irréfléchie, une réponse qui fit bondir Djayson. Debout, la dominant de toute sa hauteur, il lui hurla son désaccord avant de lui cracher à la figure. Sortie brutalement de sa torpeur, Brenda dut réagir vite. Agrippant les jambes de Djayson, elle tira d’un coup sec, le faisant chuter violemment sur le sol. Elle se jeta sur lui mais Djayson, ayant retrouvé ses réflexes, bloqua les poings prêts à s’abattre sur son visage.
Tous deux hurlaient des insultes, et ils n’entendirent pas le téléphone qui avait recommencé à sonner.

lundi 13 septembre 2010

Portrait : Salomé

Tu es loin et ton corps m'obsède. J'en ignore tout et pourtant je sais. La douceur de ta joue, le brillant de tes cheveux, la peau lisse de ton ventre et le galbe de tes seins sous ma main. Le bruit de ton rire explose et ton regard trébuche.
Tu es loin et c'est la même torture quand tu es près de moi. Quand tu m'entraînes dans tes danses nocturnes. Je te vois virevolter, insouciante, inconsciente et indifférente aux regards de désirs qui se posent sur toi. Indifférente au désir qui m'étreint, moi, et que je tente de cacher. Qui m'échappe dans un geste incontrôlé, à 5h du matin, après la 17ème bière.
Comme j'ai envie de t'embrasser Salomé.
Et je ne dis rien. Je garde pour moi mes émotions incongrues.
Mais tu es loin et quand je ferme les yeux, c'est ton corps que j'étreins.