jeudi 7 octobre 2010

Toi tu marches, et l'autre crève.

T'es là peinard, la rupture est arrivée comme ça, toute seule. C'est une évidence et tu traces ta route, respires à pleins poumons et cueilles des fleurs des champs. Et l'autre, celui par lequel tu as été relié un temps comme par un système nerveux commun, il est là, à pisser le sang 100 mètres derrière, au bord du chemin. Et toi tu n'as pas mal. Les muscles de ton corps te portent un pas après l'autre, tu prends plaisir à sentir ton corps se mouvoir dans l'espace et le vent dans tes cheveux. Tu ne sais pas où tu vas mais le chemin est dégagé et ton pas alerte.
Et parfois tu l'entends hurler.
Tu te figes, l'effroi glace ton regard. Quelque part, les morceaux de nerfs qui étaient reliés à l'autre se réveillent et picotent comme un membre fantôme. Un instant, la douleur s'insinue en toi et tu crois perdre ton sang toi aussi. Tu voudrais revenir, comme avant, partager ton sang et tes larmes pour clopiner à nouveau à deux en attendant que les blessures sèchent. Mais les connections n'existent plus. Même si tu voulais, il n'y a plus de transfusion possible. Tu ne sais pas pourquoi ton morceau à toi de cordon ombilical est tombé tout seul en se cicatrisant tandis que le sien pisse le sang et le laisse exangue et souffrant.
Mais c'est arrivé.
Toi tu te souviens bien de ce que ça fait. Cette douleur tu l'as partagée. Là tu ne peux rien y faire.
Tu regardes donc cet autre, que tu as aimé passionnément, par tous les pores de ta peau, quitte à haïr parfois, te crier à la gueule sa douleur et tu te retournes. Tu reprends ta route. Le pas un peu plus lourd, le visage un peu baissé. Jusqu'au prochain croisement. Ou jusqu'au prochain râle.

A une époque t'as compris que va-t-en voulait dire reste là, que je te hais voulais dire je t'aime, qu'il fallait rester là, vivante et indestructible, répondre inlassablement, lui prouver que tu existais. Mais c'était trop tard. Déjà tu ne voulais plus. Tu t'étais déjà usée à essayer d'esquiver les attaques et te blinder en lançant parfois l'offensive. Quand tu as réalisé que ta stratégie était contre-productive, tu n'avais déjà plus les ressources pour continuer le combat. Tu as déposé les armes et tu es partie.

Tu marches tranquillement, tu respires à plein poumons, tu cueilles des fleurs sur le chemin et de temps en temps, tu parles à ton membre fantôme.

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