A un moment de notre vie on ne savait pas quoi faire d'autre. Tout paraissait hors d'atteinte et nos épaules trop frêles. Alors on buvait de l'alcool pour oublier ça. Pour se croire les rois du monde et des gens désirables. Quand on s'assigne un seul but dans la vie, tout paraît bien plus simple. Et avec deux grammes dans la vue, les défauts de l'existence passent pour des charmes méconnus. Alors on faisait ça, boire.
On se réveillait avec pour seul objectif l'apéro qui effacerait de nos figures mâchouillées les vestiges de la dernière nuit d'ivresse. On cachait nos visages sous du fond de teint, nos corps sous des robes courtes et on chantait trop fort. On sautillait dans la rue et on se croyait tellement libres. Des petites lumières de la nuit parisienne attirant les papillons égarés. On disait oui à tout. De peur de manquer quelques chose. Parce qu'on voulait tout faire, on avait soif de tout et on avait si peur que ça s'arrête. Et de fait, l'état de grâce a pris fin. Mais on ne s'en pas rendu compte, trop occupées qu'on était à gérer nos gueules de bois et nos histoires de fesses. Qui a parlé d'amour ? Nous parlions toujours d'amour.
On a fini par faire partie des murs. Les piliers de comptoir qui ne veulent jamais rentrer chez eux. Pendant ce temps-là on pouvait rêver à la vie qu'on voulait, mais sans jamais s'y atteler vraiment.
On voulait de grands feux de joie, on s'est juste cramé les doigts avec nos allumettes.
C'est difficile à dire comment on a fini par atterrir. Il faut croire qu'on n'est jamais aussi léger qu'on voudrait le croire. Quand j'y repense maintenant, tout ça me semble bien vain. Mais on en avait besoin. Je crois qu'on ne fait jamais rien pour rien.