mardi 28 décembre 2010

A quoi je pense


Il me demande à quoi je pense.
Qu’est-ce que je pourrais bien lui dire ? Que ça ne le regarde pas. Je lui dis ça. Ça ne le regarde pas, les images de toi qui émergent dans ma tête depuis quelques jours. Je lui dis que ça ne le regarde pas. Il ne voudrait pas savoir ça.

Il trouve que je ne suis pas du matin.
Ça me fait sourire parce que j’ai envie de pleurer. Non je ne suis pas du matin, disons cela. Partager mon réveil, mon silence avec un inconnu... je me rends compte, peut-être un peu tard, que c’est au-dessus de mes forces.

Déjà je ne peux plus faire l’amour.
Ce sont les boucles de tes cheveux qui brûlent mes doigts comme je ne peux pas les toucher. Quand il glisse entre mes cuisses, je ne peux pas ouvrir les yeux et voir un autre que toi me donner un plaisir vidé de son sens.
Je ne sais plus pourquoi je suis là. J’ai hâte de m’enfuir. J’ai des images de toi plein le corps qui viennent pointer le gouffre entre lui et moi. L’indifférence insupportable qui m’étreint après un orgasme qui me laisse creuse comme une poupée inanimée.

La dernière fois que je t’ai vu tu souriais, j’y repense comme à une tarte aux pommes tiède. Avec de la cannelle.
Quand il sourit, mon sang se glace.

Et je sais maintenant ce que tu es venu me dire. Pourquoi tu me tourmentes. Pourquoi tu t'insinues dans mes pensées, dès que je suis avec un autre. Je me fourvoie.

vendredi 3 décembre 2010

Salope

J'ai souvent été une salope. 
Etre une salope, c'est plus ou moins festif selon les époques. 
A 16 ans, quand mes meilleures amies me traitent de salope disons que c'est assez douloureux. Surtout si on ajoute cette blessure à la profonde mortification que je m'inflige déjà pour ce que j'ai fait, qui est bien sûr parfaitement condamnable. C'est un peu la terre qui s'ouvre mes pieds. Et personne pour me rattraper*. 
A 16 ans, penser de soi-même qu'on est une salope, c'est relativement infamant. Lire sur les visages des personnes qui me visitent et compatissent à mon affliction qu'à part eux ils portent le même jugement, ça n'aide pas vraiment à se voir autrement.
Les mots sont toujours les mêmes. Il n'y en a pas 100 pour dire ce que je suis. Salope. Salope. Salope. 
Salope dans ma tête, salope dans le regard haineux de mes amies, salope dans la bouche amusée de ma mère. Toujours, partout la salope. Et les rumeurs qui se propagent au lycée, les potes qui ne me disent plus bonjour sans raison apparente... Infâme petite salope. Jetez-lui donc une pierre. 
Quoi que je fasses, c'est surtout dans ma tête cette étiquette prend toute la place. 
Et arrêter totalement tout commerce avec les ressortissants de la masculinité n'y change rien. Parce que je suis toujours une salope. Sinon je n'aurais pas besoin de me comporter comme une nonne. CQFD.

Dix ans plus tard, c'est plus festif en apparence. Salope c'est la fille délurée qui aime picoler, s'amuser, rigoler, faire admirer ses fesses. Les garçons l'aiment bien, mais pas pour l'épouser. Les filles l'aiment aussi, mais loin de leur mec. Il y'a des mecs qui aiment ça, que je sois une salope. Ils trouvent ça plutôt très bien. C'est les dégâts collatéraux qui leur posent problème. Comme le fait que je sois une petite allumeuse en toutes circonstances et cette impression qu'ils ont que je serais prête à me taper leur meilleur pote si l'occasion se présentait. Les filles ça les amuse aussi, quand elles sont près de moi, elles ont l'impression de pouvoir se délurer à bon compte. C'est le regard de leur copain qui va leur faire prendre leurs distances. 
Plus personne ne me jette des pierres, on loue même mon indépendance d'esprit. Mais je suis toujours une salope, salope, salope. 

Ça fait donc pas mal de temps maintenant, à traîner cette étiquette de salope partout où je vais. A balancer entre la décadence et l'ascèse. A tenter de décoller ce mot de mon front avec le pouce pour le voir se recoller sur mon index. Bim. Salope.

Aujourd'hui... non. Ni dans le bon, ni dans le mauvais sens du terme je ne serai plus une salope. Célibataire, abstinente, à genoux ou en levrette, je me sens affranchie. Tu pourras toujours m'appeler salope, mais en privé s'il te plait. 

*Sauf DameSolN, bienveillamment neutre en toutes circonstances.